INFANTILISER LA MAGISTRATURE
Un projet de loi a été déposé au Parlement pour modifier la Loi sur les juges (projet de loi C-5), dont le but apparent est de renforcer la sensibilité des juges au sort des victimes d’agression sexuelle dans le contexte de la justice pénale. La méthode adoptée est l’engagement de suivre une formation spécialisée (séminaires) pour les candidats à la magistrature, ainsi que le suivi du nombre de juges assistant à ces séminaires. Le projet de loi C-5 est douteux.
Les séminaires doivent être organisés après consultation auprès des personnes « ayant survécu à une agression sexuelles» et des «groupes et organismes qui les appuient». Les séminaires doivent aborder divers sujets, notamment les «principes sous-tendant le consentement» et les «mythes et les stéréotypes associés aux personnes qui portent plainte pour agression sexuelle. ».
La magistrature doit rester indépendante. Un juge ne peut pas être formé à croire à certains types de plaintes simplement parce qu’il s’agit d’agressions sexuelles. La polémique sur les mythes et des stéréotypes est vieille de plusieurs décennies et, pour les quelques juges qui malheureusement, peuvent faire des commentaires inappropriés ou dont l’analyse est douteuse, notre système prévoit une réparation par voie d’appel. On ne peut pas placer les plaignants d’agression sexuelle sur un piédestal pour les protéger d’un examen judiciaire responsable. Interrogés, ils doivent dire la vérité. S’ils ne le font pas, comme lorsqu’on retrouve dans leur témoignage des contradictions importantes ou des réponses délibérément vagues ou évasives, ils ne sont tout simplement plus dignes de foi.
Pour être juste et équitable, les séminaires proposés devraient également s’inspirer de cas des personnes condamnées à tort et même des cas aboutissant à des acquittements pour montrer pourquoi, dans certains cas, des plaintes sont correctement rejetées. L’essentiel du projet de loi est de former des juges à condamner davantage. En outre, en contrôlant par le biais d’un rapport annuel le nombre de juges qui assistent aux séminaires, le Parlement commencera à contrôler la magistrature, un affront absolu à son indépendance, qui est une pierre angulaire de notre démocratie. Le projet de loi C-5 est draconien et incompatible avec les fondements de notre système de justice pénale.