LE DROIT DE GRÂCE PRÉSIDENTIEL
Chelsea (autrefois Bradley) Manning était un soldat de l’armée américaine qui a transmis une quantité massive d’informations militaires et diplomatiques classifiées ou confidentielles à WikiLeaks en 2010. Manning a été finalement arrêté, inculpé et condamné en vertu des dispositions de la Loi sur l’espionnage, puis condamné à 35 ans d’emprisonnement. Le 17 janvier 2017, le président Barack Obama a commué la peine de sorte que Chelsea Manning sera libérée le 17 mai 2017. Malheureusement, le pouvoir exécutif d’accorder un pardon ou de commuer une peine n’existe pas au Canada.
Manning était, dans le sens classique, un lanceur d’alerte (« whistleblower ») qui aurait espéré que la divulgation de ce matériel informerait le public et provoquerait un vrai débat sur les mérites de la campagne militaire américaine au Moyen-Orient. En effet, ces informations ont révélé par exemple, dans le cas de la vidéo du raid aérien de Bagdad en 2007 (connue sous le titre «Collateral Murder») des soldats américains à bord d’un hélicoptère Apache tirant sur un groupe d’hommes qui ont été pris erronément pour des combattants ennemis. Deux d’entre eux étaient en fait des journalistes de Reuters. Au terme du raid, au moins 12 personnes (incluant les 2 journalistes) ont été tuées et plusieurs blessées, dont des enfants. Les échanges des militaires américains impliqués avant, pendant et après le raid montrent une nonchalance à glacer le sang à l’égard de la mort violente et se rapprochent des plaisanteries auxquelles on pourrait s’attendre en jouant un jeu vidéo. Bien que les cadres de l’armée auraient sans doute gardé tout cela secret, la publication de cette vidéo et d’autre matériel dont la torture des détenus à la prison d’Abou Ghraib a au moins suscité un débat informé sur la guerre au Moyen-Orient et a contraint les hauts fonctionnaires militaires à accepter, à contrecœur bien évidemment, une certaine responsabilité. Pour cela, Manning doit être loué.
Il est vrai que l’on peut affirmer que la divulgation d’informations classifiées peut mettre en péril des vies. Dans l’affaire Manning cependant, il n’y avait aucune preuve empirique à cet effet. Alors qu’en matière de guerre, les dirigeants gouvernementaux cherchent généralement à priver le public de la vérité, les gestes de Manning nous ont renseigné sur une campagne militaire qui a entraîné la mort de milliers d’innocents, la disparition de communautés, et a engendré la pire crise de réfugiés que le monde ait jamais connue.
Manning a été emprisonné pendant 7 ans. La commutation de sa peine est empreinte de sagesse et d’humanité, des éléments qui semblent tout à fait absents de la stratégie militaire en vigueur au Moyen-Orient.